Retour sur le colloque international “Gouverner le numérique dans un monde en transition” - Rennes 24 & 25 mai 2023

Ce colloque international et pluridisciplinaire vise à réfléchir sur les discours du numérique liés aux enjeux de transition écologique, de sobriété et d'éthique.

Les conférences détaillées ci-dessous montrent que la transition numérique et écologique est une réalité. Cependant, il est important de se poser la question de la durabilité du numérique. En effet, le numérique, qui semble de plus en plus invisible, a des impacts significatifs sur nos modes de vie. Pour imposer de la sobriété et réduire ces impacts, il est nécessaire de définir des trajectoires. Cela implique une juste articulation de nos modes de vie et une revalorisation des relations humaines. Une écologie mentale devient donc nécessaire.

Laurence Allard

Maîtresse de conférences en Sciences de la Communication.

Anne Alombert

Maître de conférences en philosophie française contemporaine à l’Université Paris 8.

Pierre Cayé

Philosophe et directeur de recherche au CNRS.

Fabrice Flipo

Professeur de philosophie.

Alexandre Monnin

Professeur en redirection écologique et design.

Gauthier Roussilhe

Doctorant au RMIT et au Centre de Recherche en Design (ENS Saclay, ENSCI).

Gauthier Roussilhe - “La numérisation aide t-elle à la transition écologique ? Efficacité, effets rebonds et faux amis.”

Gauthier Roussilhe est doctorant au RMIT et au Centre de Recherche en Design (ENS Saclay, ENSCI). Il topographie les enjeux environnementaux de la numérisation, de l'extraction des matières à la fin de vie, et des infrastructures à l'usage de services numériques.

L'objectif de l'intervention de Gauthier Roussilhe est de poser la question suivante : le numérique aide-t-il à la transition écologique ?


  1. Dans les discours actuels, le numérique est vu comme une solution

    Dans ces discours, Gauthier Roussilhe note une forte présence de ce qu'il appelle la "transition jumelle", c'est-à-dire une double transition numérique et écologique. Dans ces discours, il ne peut y avoir de transition écologique sans transition numérique, car le numérique aide intrinsèquement à la transition écologique. Cette idée est largement relayée dans l'opinion publique, les impacts positifs de la numérisation sont mis en avant, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

    Gauthier Roussilhe évoque également les rapports du GESI2, une organisation mondiale qui permet à l'industrie des TIC de saisir les opportunités générées par le numérique aux défis environnementaux et sociaux les plus urgents, et du GSMA3, une association internationale représentant les intérêts de plus de 750 opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile de 220 pays du monde. Ces rapports, comme le SMARTer2030 de GESI émettent l'hypothèse que le numérique permettrait une réduction de la consommation électrique pour l'agriculture ou la société civile. Cependant, pour lui, ces hypothèses ne sont pas du tout avérées et les calculs et les projections sont biaisés avec des données non représentatives. Le problème, selon lui, c'est que ces rapports sont utilisés dans les discours, notamment par les politiques. En revanche, le discours émanant du dernier rapport du GIEC4, qui dit clairement "nous n'avons aucune idée si à l'échelle macroscopique, numériser aide à la transition écologique", n'est pas forcément relayé.

  2. Le numérique entraine des effets rebonds

    Gauthier se penche sur les effets du numérique qu'il convient d'identifier, de nommer et de cartographier pour déterminer si celui-ci peut contribuer à la transition écologique : 

    • Empreinte de la fabrication, usage fin de vie : il s'agit de termes propres à l'ACV (Analyse du cycle de vie5).
    • Effets indirects, effets d'optimisation, d'efficacité : par exemple, l'apparition du GPS présente ces effets.
    • Effets de substitution : si l'on prend l'exemple du GPS, nous n'avons plus besoin de carte papier.
    • Effets rebonds directs : l'efficacité accrue grâce au GPS peut-elle conduire à une augmentation de la conduite automobile ?
    • Effets rebonds indirects : l'apparition de nouvelles activités peut résulter de la réduction du temps de trajet, avec des dépenses d'argent ailleurs.
    • Effets macro-économiques : par exemple, le GPS permet la création d'applications plus intelligentes.
    • Effets systémiques : nous assistons à une modification de la société.
    • Effets d'induction : pour qu'un système fonctionne, il engendre de nombreux autres effets. Il est important d'inclure cette induction dans l'ACV.


  3. Attention aux données produites, pas toujours représentatives et pouvant être obsolètes

    Gauthier nous a exposé les problèmes courants rencontrés dans les données présentées. Il est nécessaire d'effectuer une évaluation régulière dans le temps et l'espace, ce qui n'est pas toujours le cas, et les données deviennent alors obsolètes. Attention également, beaucoup d'études sont très peu représentatives et extrapolées.

Pour conclure sa présentation, Gauthier indique qu'il est nécessaire de redéfinir les priorités de la numérisation. "Pour l'instant, il y a un statu quo et il n'y a pas de preuve à l'échelle macro. Mais l'idée est là, les gens sont persuadés que ça fonctionne, mais il est également important de réfléchir aux cas où cela ne fonctionne pas."

Fabrice Flipo - “Impératif de la sobriété numérique - l’enjeu des modes de vie”

Fabrice Flipo est maître de conférences HDR en philosophie, ses travaux portent principalement sur la crise écologique et la philosophie sociale et politique.

Dans cette conférence, Fabrice Flipo nous invite à réfléchir sur l'importance des modes de vie influencés par ce qu'il appelle une invisibilisation du numérique. 

Lors de l'introduction de sa conférence, Fabrice Flipo nous rappelle qu'en 2007, il était déjà avancé dans les discours que le numérique représentait 2% des émissions de gaz à effet de serre, autant que l'aviation. En 2008, le numérique était présenté comme une solution et non pas comme un problème. Aujourd'hui, il constate que les chiffres sont totalement ignorés et se demande pourquoi les choses n'avancent pas. "En 2008, c'était 2% et maintenant c'est 4%, et pourtant, nous continuons à avoir les mêmes débats. Il faut réaliser que nous ne sommes pas en train de mener le bon débat."

  1. Le numérique est à définir

    Fabrice Flipo revient sur la nécessité de définir le numérique. Il existe un problème de compréhension. Pour lui, le numérique permet avant tout de délivrer de l'information (Wiener, 19491). Il permet également de faire plus de choses dans un même temps défini, comme fabriquer 100 ordinateurs au lieu de 10. Le numérique est considéré comme une innovation de rupture2. Il ne se résume pas à un secteur, mais il se diffusera dans d'autres secteurs, comme l'énergie.

  2. La sobriété numérique dans les discours actuels

    Pour lui, le discours concernant la sobriété numérique est le même qu'il y a 20 ans, sauf que l'on rajoute maintenant le mot "social". Le discours actuel indique que le numérique est au service de la transition écologique et sociale, mais pour lui, c'est du green IT ou de l'IT for green, et non pas de la sobriété. Dans l'IT for green, le monde est plus efficace d'un point de vue économique grâce au numérique. Ces discussions ont la faveur des politiques publiques, mais pour lui on discute sans agir.

  3. Revenir à la question de l'usage

    Pour Fabrice, la question centrale de la sobriété numérique est celle des usages. Il prend l'exemple du rapport du Shift Project de 20203"nous avons bien de la sobriété ici". La sobriété ne consiste pas en une efficacité, mais il faut ramener son usage dans un contexte plus large : quelle est la place de chacun dans l'ordre global de la planète ? Par exemple, ai-je besoin de faire une visioconférence ? On pose ici la question de l'usage. Il nous alerte sur l'illusion du double dividende, évoqué plus haut par Gauthier Roussilhe avec le terme "transition jumelle" (gain écologique et économique) et de l'effet rebond qui en résulte. Que devient le gain économique ?

  4. Les différents acteurs du numérique

    Fabrice Flipo sépare ces acteurs en 4 groupes, chacun ayant ses spécificités concernant le numérique :

    • Les directives publiques : la numérisation se fait à marche forcée, avec une recherche d'efficacité permanente.
    • Les entreprises : il s'agit ici d'IT for green, avec une recherche d'efficacité énergétique.
    • Les acteurs ayant un rôle-charnière : ces acteurs sont à la recherche de l'efficacité, mais plutôt au sens de la sobriété, comme Greenpeace, par exemple.
    • Les consommateurs : tout le monde parle à la place des consommateurs. Pour Fabrice Flipo, "ils sont ventriloqués". Ils sont soumis à une injonction contradictoire et la numérisation est très ancrée dans leurs modes de vie.

      Globalement la technologie pour ces acteurs est vu par son efficacité et non par la sobriété. Le consommateur a-t-il choisi ? Fabrice Flipo parle d'invisibilisation du numérique.

    • L'importance des modes de vie

      Fabrice Flipo met en évidence l'importance des modes de vie dans l'objectif d'une sobriété numérique. Les modes de vie correspondent à la façon dont une personne ou un groupe vit. Les entreprises et les marketeurs s'appuient sur ces modes de vie pour segmenter leurs actions et influencer leurs consommateurs. Le style de vie se caractérise plutôt par des variations individuelles de faible ampleur et non militantes. Le genre de vie, quant à lui, correspond à une minorité cherchant activement à changer les modes de vie, ce sont ici des communautés plutôt engagées (Moscovici4). Enfin, le "système" ou la "civilisation" correspond à un ensemble dans sa globalité, comme par exemple le système capitaliste ou encore l'anthropocène.

    Fabrice Flipo conclut en disant que l'idée est d'arriver à articuler ces modes de vie. Il propose d'obliger toutes les entreprises et l'État à chiffrer la trajectoire qu'ils cherchent à produire lorsqu'ils lancent un produit ou une loi, c'est-à-dire réaliser une étude d'impact.

    1Wiener et la cybernétique
    2Schumpeter, économiste et professeur en science politique autrichien naturalisé américain, connu pour ses théories sur les fluctuations économiques, la destruction créatrice et l'innovation
    3Rapport Shift projet 2020
    4Serge Moscovici, un regard sur les mondes communs

    Laurence Allard - “Re-faire le numérique : entre discours et pratiques”

    Laurence Allard est maîtresse de conférences en Sciences de la Communication, enseignante chercheuse, Université Paris 3-IRCAV, Faculté des sciences économiques sociales et des territoires à l'Université de Lille.

    Sa présentation porte sur les discours et les pratiques technologiques, à voir en ombres et lumières, et l'importance à donner ou re donner aux relations.

    1. Discours techno éco-critiques : Défaire / Re-materialiser

      Dans cette partie, Laurence Allard aborde plusieurs notions liées au numérique :
      - la notion de "technologie zombie" proposée par José Halloy1. Selon cette notion, le numérique est une technologie zombie qui utilise des ressources limitées et qui a un impact sur les limites planétaires. £
      - le solutionnisme technologique conceptualisé par Evgeny Morozov2. Ce concept décrit la conviction que tous les problèmes peuvent être résolus par la technologie et que tous les aspects de notre vie peuvent être améliorés, ainsi que l’Internet-centrisme qui exagère les capacités de l’Internet à transformer la société. Selon cette logique, l’environnement et la société doivent s’adapter aux technologies, et non l’inverse. 
      - la notion de techno-racisme de Maxime Cervulle et Franck Freitas3. Elle fait référence aux effets de la racisation dans les usages et la production du numérique. 
      - la notion de colonialisme numérique de Nick Couldry et Ulises A. Mejias4 , qui décrit comment le colonialisme des données ouvre la voie à une nouvelle étape du capitalisme, la capitalisation de la vie sans limite. Cette lutte anti-coloniale est proposée dans l'article de Benoit Menange et Fabrice Flipo, "Extractivisme : lutter contre le déni"5, ainsi que dans l'ouvrage de Laurence Allard, Alexandre Moninn et Nicolas Nova, Écologie du smartphone6. Selon elle, nous sommes face à une génération de décoloniaux écologistes. 

    2. Faire critique : Re-faire / contre-faire / faire -avec (mais aussi le faire sans)

      Laurence Allard nous invite à réfléchir sur l'activisme écologique contemporain, en particulier sur le faire critique, l'éco-critique et l'éco-justice multispécifique.
      L'objectif est de changer l'imaginaire, de raconter une histoire. Ils vont raconter, mettre en scène, théâtraliser (Vinciane DespretBruno Latour, etc.). On parle ici d’éco-fiction7.
      Laurence Allard revient sur les propos de Donna Haraway professeure et autrice de plusieurs livres sur la biologie et le féminisme. Dans son ouvrage “Vivre avec le trouble”, elle a proposé une éco-justice spécifique avec une proposition de narrations. Elle parle de Chtulucène, de Capitolocène et de Plantationocène, et fictionne le monde à travers un rapport entre différentes entités. Il s'agit de vivre avec le trouble, de réparer et d'inventer des alliances avec le monde, sans domination ni exploitation, en pensant le monde qui vient et les inter-relations qui supposent d'être mises en place. On parle de trouble culture/nature et de retour au terrestre.

    Laurence Allard conclut en partageant des expériences avec un Fablab mobile au Ghana qui permet de surcycler les déchets, de mettre en valeur les savoir-faire et de fabriquer le numérique avec du numérique. Elle présente ensuite le Repair café, un créalab centré sur la culture de la réparation, qui est un espace de surcyclage et permet de passer de la réparabilité à la dispensabilité.

    Anne Alombert - “Les enjeux du numérique pour une écologie de l’esprit”

    Anne Alombert est enseignante-chercheuse en philosophie à l'Université Catholique de Lille, au sein de la chaire « Éthique, technologie et transhumanismes ». Ses recherches portent sur les relations entre savoirs et techniques, ainsi que sur les enjeux anthropologiques des transformations technologiques contemporaines.

    Dans cette présentation, Anne Alombert nous parle de la nécessité d'une écologie mentale.

    Anne Alombert commence sa présentation en parlant de l'écologie de l'esprit dans le milieu numérique. Elle évoque Yves Citton et ses recherches portant sur l'économie de l'attention1 et Paul Valéry dans un texte de 1939 sur la Liberté de l'esprit2, qui s'interroge sur "le destin de l'esprit dans un contexte où l'exagération des moyens soumet les esprits à une agitation et une nervosité généralisée, à une perturbation de nos intelligences, à une stimulation sans un jour de repos."3

    Elle nous parle du Rapport Nora-Minc sur l'Informatisation de la société4, publié en décembre 1977. Dans ce rapport, le mot et le concept de télématique sont inventés et le lancement du réseau Minitel y est préfiguré. Ce rapport répond à une demande du président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, sur les moyens de « faire progresser la réflexion sur les moyens de conduire l'informatisation de la société », dans un contexte de crise économique. Il prend acte de la révolution informatique en cours (explosion de la micro-informatique) et définit la télématique comme « l'imbrication croissante des ordinateurs et des télécommunications ».

    Elle insiste sur les notions de technique et de symbolique. Il faut prendre soin des milieux techno-symboliques. C'est une question écologique, il faut prendre soin de ce milieu. La question de l'écologie est celle de la culture avant la nature. Cette question a déjà été mentionnée par Felix Guattari, psychanalyste et philosophe français, dans son ouvrage "Les 3 écologies"5. L'écologie environnementale est d'un seul tenant avec l'écologie sociale et mentale. Jamais la nature ne peut être dissociée de la culture.

    1/ Les enjeux technologies numériques pour l’écologie mentale
    Anne Alombert commence par nous parler des enjeux numériques pour l'écologie mentale. Il y a un risque de surexposition aux écrans, notamment pour les jeunes enfants. Le livre La Fabrique du crétin digital de Michel Desmurget6 est cité. Elle revient sur le concept de l'économie de l’attention d'Yves Citton : les réseaux sociaux et les plateformes de contenus collectent des données pour générer des profils, les vendre et les diffuser. Ce sont des technologies persuasives, qui captent les esprits et dictent les conduites. On parle de captologie, le fonctionnement de l'interface numérique influence les pensées et les comportements afin de maximiser l'engagement. Les méthodes comme le défilement infini, les notifications nous mettent en hyper vigilance (Cf la série Dopamine sur Arte7). Il existe une déformation de l’attention et un épuisement psychique. Les comportements deviennent pulsionnels, court-circuitant un certain nombre de facultés réflexives et interprétatives. Jonhathan Crary, critique d'art et essayiste américain, nous indique dans son livre 24/78 que l'économie de l’attention a déjà été développée avec la télévision, mais que le développement est plus fort avec le numérique. Il y a une insularité digitale, une frénésie de connexion et des moments de décollement par rapport au temps présent. Slate confirme cela dans son article "Le vrai concurrent de Netflix, le sommeil"9.

    2/ Les enjeux technologies numériques pour l’écologie sociale
    Anne Alombert aborde ensuite les dynamiques sociales qui posent de graves problèmes. Par exemple, sur les réseaux sociaux, il y a une quantification des vues qui entraîne une forte concurrence. Cela conduit à une frustration due au manque de vues. Cette frustration est compensée car les personnes qui postent du contenu sont finalement intégrées à un groupe. Cependant, il ne s'agit pas de communautés de pairs, mais de foules mémétiques10. La théorie du désir mimétique se traduit par : on aime ce contenu car on a aimé des contenus similaires ou d’autres personnes ont aimé ce contenu.

    Elle mentionne également le livre de Jean-Louis Missika et Henri Verdier, Business de la Haine, Internet, la démocratie et les réseaux sociaux11. Loin des discours marketing, les entreprises utilisent tous ces termes pour masquer un nouveau type de gouvernementalité, une gouvernementalité algorithmique, le pouvoir statistique et non normatif, c'est-à-dire invisible. Il s'agit d'une régulation anticipative des comportements.

    3/ Un numérique “écosophique” (Guattari)
    Anne Alombert revient sur la notion d'« écosophie » selon Félix Guattari, qui désigne l'articulation éthico-politique entre les trois registres écologiques : l'environnement, les rapports sociaux et la subjectivité humaine. Elle explique que le numérique est actuellement lié à une économie consumériste capitaliste, mais que le marketing et la publicité touchent à leurs limites. Pour Bernard Stiegler, il faut profiter du numérique, qui représente le 3ème âge du capitalisme industriel, pour développer une économie de la contribution, favorisant les activités contributives.

    Anne compare Wikipédia, qui prône la contribution et l'intelligence collective, à ChatGPT, qui a une logique inverse où les usagers sont des consommateurs passifs. Ces deux dispositifs ont des objectifs complètement différents : Wikipédia est axé sur le renouvellement, alors que ChatGPT est automatiquement généré, uniforme et standardisé. Les usagers ne participent pas au renouvellement des savoirs, pourtant nécessaires à Wikipédia.

    En conclusion, Anne Alombert insiste sur l'importance de parler des « numériques », au pluriel. Pour mieux disposer des dispositifs de savoirs, il est important de comprendre les dispositifs numériques, économiques et techniques associés.

    Alexandre Monnin - "Au-delà de la sobriété numérique"

    Alexandre Monnin, est professeur à l’ESC Clermont Business School en redirection écologique et design, directeur du MSc « Strategy & Design for the Anthropocene » (ESC Clermont BS x Strate Ecole de Design Lyon), directeur scientifique d’Origens Media Lab et docteur en philosophie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

    Il revient également sur la technologie zombie de José Halloy1. Le numérique consomme beaucoup d'énergie, c'est vrai, mais ce n'est pas suffisant. On ne peut pas se contenter de cette vue étroite, c'est une technologie zombie coûteuse. Il faut proposer une approche biopolitique positive et éthique qui prenne en compte les dispositifs numériques. La position technocritique et la critique environnementale ne sont pas suffisantes.

    Ce qui n'est pas sobre, ce ne sont pas seulement les technologies, mais aussi les modèles économiques sous-jacents. Pour Alexandre, il est nécessaire de recentrer le débat et de reconsidérer ces modèles économiques.

    Alexandre nous parle de la sociologie des attachements de Callon2. C'est pendant les épreuves que l'on mesure les attachements, quand l'attachement est vulnérabilisé. Par exemple, pendant la crise des gilets jaunes, on se rend compte que les personnes sont attachées à la voiture. Il faut comprendre la nature des attachements, enquêter pour réfléchir au désattachement, pour penser une forme de sobriété.

    Il revient sur la sobriété et parle de la sobriété en extension, en prenant en compte l'empreinte environnementale et les aspects quantitatifs. Il est important de rappeler que la sobriété ne garantit pas automatiquement le bonheur.

    Alexandre Monnin conclut en expliquant que la consommation globale du secteur ne cesse d'augmenter (effet rebond), mais on ne nous explique pas comment aller vers la sobriété. Il n'y a pas de chemin politique clair, ce qui soulève la question comment y arriver ?.